Les précautions à prendre lors du ramassage des champignons
Tous les ramasseurs de champignons le savent : certaines espèces ne doivent pas être mises dans le panier, soit parce que leur sévère toxicité peut vous être fatale, soit parce qu’elles ne présentent aucun intérêt gustatif. Les plus fins connaisseurs des champignons savent, en outre, que des exemplaires altérés, a priori non toxiques, peuvent toutefois se révéler impropres à la consommation et vous rendre malade, tout comme des champignons ramassés sur des sites pollués.
Ramasser uniquement les champignons frais
De la même façon qu’il ne vous viendrait pas à l’esprit d’acheter chez votre maraicher des légumes fanés, un peu moisis, voire déjà bien attaqués par des vers, vous ne devez pas ramasser des champignons abîmés, dont la décomposition a commencé, pour le plus grand plaisir des larves d’insectes.
En vieillissant, les champignons peuvent donc moisir en développant des métabolites – substances organiques – toxiques qui naissent de l’action de micro-organismes sur les protéines contenues dans les champignons : cadavérine ou putrescine, par exemple qui risquent d’entrainer nausées, maux de têtes, douleurs abdominales, vomissements, diarrhées…
D’autres champignons, plus vicieux, conservent une apparence convenable mais vont développer des molécules toxiques comme des ptomaïnes, sous l’action des bactéries.
Prudence est donc de mise, toujours, avec les champignons qui sont des végétaux fragiles qui s’altèrent rapidement et qui doivent, non seulement être ramassés jeunes, mais en plus être cuisinés sans délai.
Quelles sont les intoxications à craindre avec des champignons comestibles ?
Les champignons sont indissociables du mycélium qui leur permet de puiser des nutriments pour se développer. Le revers de la médaille se montre plus sombre puisque le mycélium ne trie pas, il absorbe aussi des substances toxiques d’origines diverses : agricoles, industrielles, radioactives. Les champignons, véritables bioaccumulateurs d’éléments chimiques toxiques, entrainent alors des intoxications.
Le botulisme
On évoque le botulisme généralement à propos de conserves mal stérilisées, dont le couvercle s’ouvre sans effort, découvrant un contenu parfois malodorant ou une couleur altérée. Bien évidemment, elles ne doivent pas être consommées. L’origine de cette détérioration vient d’une bactérie anaérobie (se développant sans air), portant majoritairement le nom de Clostridium botulinum. Il ne faut donc jamais ramasser des champignons dans un sac plastique fermé dans lequel ils resteront encore quelques heures : ce contenant favorise le développement du botulisme.
Que risque-t-on avec le botulisme ? La mort par arrêt respiratoire finit par survenir après 3 à 5 jours, si vous ne vous faites pas soigner dès les premiers symptômes qui vont des nausées, vomissements, problèmes de vision, jusqu’à des difficultés à parler, avaler et une paralysie des muscles respiratoires.
Les produits phytosanitaires agricoles
Les produits phytosanitaires issus de l’industrie agrochimique tels que fongicides, herbicides, insecticides, engrais sont dangereux pour les êtres vivants, voire cancérogènes pour l’être humain, ce qui justifie que le « zéro phyto » prenne de l’importance tout comme la pratique du potager bio. Des champignons tels que des rosés des près (Agaricus campestris) parfaitement comestibles peuvent malgré tout provoquer une intoxication alimentaire si une pulvérisation de ces produits de traitement a été faite à proximité, puisque les champignons sont de véritables « éponges ».
Ce genre d’intoxication reste la plupart du temps légère : nausées, vomissements, maux de ventre, puis les troubles se calment.
Les métaux lourds issus de l’industrie
Les activités industrielles sont à l’origine de rejets polluants parmi lesquels se trouvent des métaux lourds tels que le cadmium, le plomb et le mercure qui sont les plus dangereux, à la fois pour l’environnement et pour le vivant. La pollution qu’ils génèrent agit insidieusement, sur le long terme, mais leur bioaccumulation par les champignons ne fait aucun doute.
- le cadmium : atteinte rénale, fragilité osseuse, troubles de la reproduction, risque accru de cancers se confirment en cas d’exposition prolongée au cadmium.
- le mercure : sa toxicité sous forme de méthylmercure lorsqu’il se retrouve dans la nature, se manifeste sur le système nerveux central (vue, ouïe, mémoire, attention, coordination motrice).
- le plomb : le saturnisme qui provoque douleurs abdominales, céphalées, asthénie, retard de croissance et retard mental, est du au plomb ; s’il n’y en a plus dans les peintures ni dans les carburants, la métallurgie en émet encore.
Les produits radioactifs
Ici encore, les champignons se révèlent champions de la bioaccumulation de produits radioactifs : iode, strontium, césium, etc. Et l’irradiation se fait encore sur le long terme provoquant des années plus tard des cancers et des maladies génétiques. Le nuage radioactif provoqué par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986 ne s’est pas arrêté aux frontières, et de nombreux pays de l’Est exportateurs de champignons en subissent encore les conséquences aujourd’hui avec des taux de radioactivité trop importants pour la consommation.
Certaines espèces apparaissent comme plus sensibles à la bioaccumulation des polluants agricoles, des éléments traces métalliques (ETM) et des radioéléments. Dans son ouvrage intitulé Champignons toxiques, Identifier 200 espèces et leurs syndromes*, Philippe Rioux, docteur en pharmacie spécialisé en mycologie, montre parfaitement comment de nombreux agents peuvent influencer l’éventuelle toxicité des champignons, en décrivant les différents syndromes qu’ils peuvent provoquer. Il s’agit d’un complément indissociable d’un bon guide d’identification des champignons, pour qui part en ramasser.
* Editions Delachaux et Niestlé – 208 pages – 26 août 2022 – 24,90 €